La Commission globale de politique en matière de drogues exprime sa profonde inquiétude face au projet de loi présenté en Ontario, intitulé « Loi sur des rues plus sûres et des collectivités plus fortes », qui menace de fermer près de la moitié des sites de consommation supervisée (SCS) de cette province d’ici mars 2025.
Cette décision constitue un recul dangereux, risquant de réduire à néant des années de progrès réalisés grâce à des politiques de santé publique fondées sur des données probantes, qui ont permis de sauver des vies et venir en aide aux populations. Les sites de consommation supervisée jouent un rôle essentiel : ils réduisent la consommation de drogues dans les espaces publics, limitent les déchets liés au matériel pour la consommation de drogues et améliorent la sécurité de la population. Leur fermeture pourrait entraîner une augmentation de la consommation visible de drogues et des problèmes de sécurité pour les riverains. Des documents internes du gouvernement mettent en garde contre les risques que ces fermetures pourraient provoquer : hausse du taux de surdoses, répercussions plus importantes sur la santé et augmentation du nombre de passages aux urgences. La solution n’est pas de renvoyer les gens dans la rue et de leur imposer un traitement obligatoire – une leçon confirmée par plus de 50 ans de « guerre aux drogues ».
Le Canada est un leader mondial en matière de réduction des risques, créant le premier site de consommation supervisée (SCS) d’Amérique du Nord à Vancouver dès 2003 et lançant des programmes de traitement assisté à l’héroïne dès 2005. Ces initiatives, fondées sur des données scientifiques et des principes de santé publique, se sont révélées essentielles pour sauver des vies et réduire la propagation du VIH et de l’hépatite C. Cependant, les décisions de l’Ontario risquent de compromettre ces avancées.
Les sites de consommation supervisée ont démontré leur efficacité : les décès par surdose ont reculé de 35 % dans les zones où ils sont implantés. À Vancouver, ces sites ont permis une diminution de 26 % des surdoses mortelles dans les quartiers avoisinants. Les chiffres au niveau mondial sont sans équivoque : aucun décès par surdose n’a jamais été enregistré au sein d’un site de consommation supervisée.
À New York, le centre de prévention des surdoses médicalement supervisé OnPoint NYC, situé à East Harlem, est déjà intervenu dans plus de 1 500 surdoses. Son concept de « soins holistiques », qui inclut des services de santé mentale et un soutien communautaire, a été salué par des organisations locales, notamment le centre pour enfants Echo Park de l’Association to Benefit Children.
En fermant des sites similaires, l’Ontario risque de supprimer des mesures efficaces et fondées sur des preuves. La réduction des risques et dommages profite à des communautés entières, car elle améliore la santé et favorise la confiance entre les populations marginalisées et les services de santé. Elle contribue également à la sécurité de la population en réduisant le caractère visible de la consommation de drogues. Il est urgent de renforcer l’aide communautaire – et non de la réduire – et notamment d’offrir un logement et des soins de santé adéquats aux personnes qui consomment des drogues.
Nous demandons instamment à tous les niveaux de gouvernement au Canada – fédéral, provincial et local – de collaborer à la sauvegarde des politiques de réduction des risques.
Pour lutter efficacement contre les effets nocifs des drogues, les provinces doivent adopter des approches fondées sur des données probantes et centrées sur les droits humains, tout en tenant compte du rôle essentiel que jouent autorités locales pour répondre aux besoins spécifiques de leurs populations. Les mesures qui criminalisent l’usage de drogues ou réduisent l’accès aux services de réduction des risques risquent d’aggraver la crise des opioïdes, d’augmenter l’exposition à la toxicité dans les chaînes d’approvisionnement et d’aller à l’encontre des recommandations des Nations Unies.
Il est possible de réduire les dommages causés par la consommation de drogues sans compromettre la qualité de vie dans les quartiers ou la sécurité du public. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’un soutien accru à ces programmes, et non moindre. Les décisions de l’Ontario vont à l’encontre des acquis du Canada en matière de politique de drogues efficace et humaine. Le moment est venu de renforcer ces acquis, et non de revenir en arrière. Le Canada doit maintenir et non abandonner son engagement en faveur de la réduction des risques.