(Genève, Suisse – 05/12/2024)
La Commission globale de politique en matière de drogues publie aujourd’hui son dernier rapport en date, intitulé : De l’échec de la pénalisation à la réforme des politiques en matière de drogues. Exposant les conséquences dévastatrices des politiques punitives en matière de drogues et plaidant pour une réforme immédiate, le rapport souligne comment les cadres obsolètes de contrôle des drogues perpétuent l’incarcération de masse et les violations des droits humains, et ont des conséquences délétères disproportionnées sur les communautés marginalisées.
Pendant des décennies, les politiques punitives en matière de drogues ont fait grimper les taux d’incarcération dans le monde. En 2022, 7 millions de personnes ont été soupçonnées, arrêtées ou inculpées pour des infractions liées aux drogues. Environ 11,5 millions de personnes sont incarcérées dans le monde, dont 20 % pour des infractions liées aux drogues. Parmi ces détenus, près d’un demi-million le sont uniquement pour possession de drogue à des fins personnelles. Les arrestations ciblent de manière disproportionnée les populations autochtones et les minorités ethniques. Par exemple, au Canada, les autochtones sont six fois plus susceptibles d’être arrêtés pour possession de cannabis que les personnes d’origine européenne, tandis que les Afro-Américains sont cinq fois plus susceptibles d’être arrêtés pour possession de drogues que les blancs.
La prohibition a des effets destructeurs également en dehors des prisons. Les surdoses ont coûté la vie à plus d’un million de personnes aux États-Unis au cours des deux dernières décennies, et à plus de 40 000 personnes au Canada en seulement huit ans. Les politiques punitives en matière de drogues aggravent les crises telles que l’approvisionnement en drogues toxiques et la dépendance non traitée, et font augmenter le nombre de décès évitables et les infections à diffusion hématogène.
Le rapport montre que d’autres solutions existent. Les mesures de réduction des risques fondées sur des données probantes, comme les centres de prévention des surdoses (CPS), les programmes d’échange d’aiguilles et de seringues (PES) et les traitements par agonistes opioïdes (TAO), ont prouvé leur efficacité en sauvant des vies et en améliorant les résultats en matière de santé. Par exemple, les décès par surdose ont baissé de 35 % dans les quartiers dans lesquels des CPS ont été mis en place, et aucune surdose mortelle n’a été enregistrée dans un CPS à l’échelle mondiale. Malgré ces résultats, le financement de la réduction des risques dans les pays à revenu faible ou intermédiaire reste extrêmement faible, puisqu’il ne représente que 6 % des besoins estimés.
Les efforts de réforme gagnent du terrain dans le monde entier. L’exemple de pays comme l’Espagne, le Portugal et l’Uruguay montre que la décriminalisation et la réduction des risques améliorent les résultats sanitaires et sociaux. Pourtant, les progrès sont inégaux. Le projet de fermeture de la moitié des CPS de l’Ontario menace de réduire à néant des années de progrès, tandis que certains pays continuent d’imposer la peine de mort et/ou l’emprisonnement obligatoire pour les infractions liées aux drogues.
Le rapport souligne que les solutions résident dans des réformes fondées sur des données probantes et axées sur les droits humains. Les gouvernements doivent sortir du cadre de la répression et investir dans des politiques qui donnent la priorité à la santé, à la dignité et à l’équité. Les principales recommandations du rapport sont les suivantes :
- Décriminaliser la consommation, la possession et la culture de drogues.
- Développer les services de réduction des risques, comme la distribution de naloxone, les programmes d’approvisionnement plus sécuritaire et l’analyse des drogues.
- Réorienter les ressources de la répression vers la santé et l’aide sociale.
- Établir des marchés réglementés pour les drogues qui respectent les principes d’équité et mettent fin au commerce illégal.
« La guerre aux drogues entraîne une hausse vertigineuse des taux d’incarcération, une augmentation du nombre de décès par surdose et des violations persistantes des droits humains. Il est temps que le monde s’oriente vers des politiques en matière de drogues qui respectent la santé publique et les droits humains », estime Helen Clark, Présidente de la Commission globale de politique en matière de drogues et ancienne Première ministre de la Nouvelle-Zélande. « Ce rapport démontre clairement que l’approche de la réduction des risques liés à la consommation de drogues est efficace. Il s’agit d’une nécessité de santé publique, et non d’une position morale ».
Le rapport est à la fois un appel à l’action et un guide pour l’avenir, qui propose des solutions claires pour des politiques qui sauvent des vies et défendent la justice. La Commission mondiale reste résolue à faire progresser ces réformes et à oeuvrer pour un monde où les politiques en matière de drogues sont des outils au service de la santé, de la sécurité et de la dignité, et non de l’oppression.