La cannabinothèque qui sera ouverte en décembre dans le canton de Genève, à Vernier, permettra d’approvisionner en cannabis récréatif, de manière supervisée, un millier de volontaires – les personnes intéressées peuvent s’inscrire sur le site www.changegeneve.ch. L’appel à participation sera lancé ce dimanche, uniquement en ligne, pointe Martine Baudin, coordinatrice de ChanGE, l’association responsable opérationnelle de l’essai.
Les critères suivants sont exigés: avoir 18 ans révolus, consommer déjà régulièrement du cannabis, s’engager à participer à des entretiens individuels et/ou collectifs avec les chercheurs et remplir périodiquement des questionnaires. D’une durée de trois ans, «l’essai-pilote sera aussi contrôlé que nécessaire, aussi participatif et inclusif que possible», souligne pour sa part l’ancienne présidente de la Confédération Ruth Dreifuss, présidente de ChanGE.
Le nombre de consommateurs, pas forcément régulier, est estimé à 10 000 dans le canton. Fortement impliquée dans le projet depuis le début, la Ville de Vernier, qui connaît les problématiques urbaines liées au deal de cannabis, accueillera le point de vente. Les services communaux apporteront leur soutien à son bon fonctionnement. Des contacts réguliers ont déjà été mis en place avec la police cantonale. Ils se poursuivront pendant toute la durée de l’essai.
«La Cannabinothèque sera située dans le quartier de Châtelaine», détaille Martin Staub, conseiller administratif de la commune de 35 000 habitants. Facilement accessible, bien connecté à Genève en transports publics, «ce ne sera pas un lieu lugubre», assure-t-il. «Le tout sécuritaire est un échec à long terme. Il faut apporter une autre réponse, pragmatique», estime-t-il. Et de préciser qu’il s’agira également d’emmener les habitants dans ce projet pour qu’il réussisse.
Pour Carole-Anne Kast, conseillère d’Etat en charge du Département des institutions et du numérique (ou DIN), le rôle de la police sera d’accompagner «cette bulle de légalité» pour qu’elle puisse être bien vécue et bien circonscrite. Les forces de l’ordre feront part de leur expérience à l’association. La Cannabinothèque ne se limitera pas à des activités de vente: elle aura aussi une mission d’information du public et de prévention des risques. Des mesures de protection de la jeunesse et de la santé seront développées.
Le projet permettra d’accéder de près aux consommateurs, avec un regard indépendant, a relevé pour sa part Pierre Maudet, chef du Département de la santé et des mobilités. L’évaluation scientifique de l’essai-pilote est menée conjointement par les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et l’Université de Genève (UNIGE), rappelle-t-il.
Le questionnaire obligatoire donnera des informations sur la manière de consommer, sur les changements éventuels d’habitude, sur la fréquentation, les sensations de bien-être, explique le professeur de sociologie à l’UNIGE Sandro Cattacin, coresponsable de l’étude. Il s’agira également d’observer le terrain, les transformations ou non du voisinage, les effets sur la microcriminalité, l’évolution des lieux sociaux.
L’essentiel du financement de cet essai est assuré par la vente des produits ainsi que des subsides de deux fondations. Le Fonds destiné à la lutte contre la drogue et à la prévention de la toxicomanie contribue à hauteur de 60 000 francs par année. Les produits sont fournis par une entreprise genevoise, selon les critères extrêmement stricts de l’OFSP, relève Ruth Dreifuss. La Ville de Lausanne est également cliente, indique-t-elle.
Dans le canton, il a fallu presque dix ans pour voir aboutir cette expérience pilote, soutenue par des députés de tous bords, les pouvoirs publics et plusieurs institutions. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) avait donné son aval en mai dernier. L’entrée en vigueur d’une modification de la loi fédérale sur les stupéfiants, le 15 mai 2021 a ouvert la voie à des essais-pilote strictement encadrés.
A l’heure actuelle, les cantons de Bâle-Ville et Genève, les villes de Lausanne, Zurich, Berne, Bienne et Lucerne ont reçu de l’OFSP l’autorisation de mener de tels projets. Une douzaine de demandes sont encore à l’étude, déclare Ruth Dreifuss.
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